Patrimoine : transmission de patrimoine, la révolution des donations

La loi de finances 2025 vient de bouleverser le paysage des donations en France. Exonérations exceptionnelles jusqu’à 300 000 euros, abattements renouvelables, avantages des SCI… Plongée dans les coulisses d’une stratégie patrimoniale plus attractive que jamais.

Par la rédaction, publié le 19/05/2025

Au moment où l’inflation grignote l’épargne et où l’immobilier traverse une zone de turbulences, optimiser la transmission de son patrimoine devient un enjeu crucial. Les donations, longtemps considérées comme un outil réservé aux plus fortunés, connaissent un regain d’intérêt spectaculaire. Et pour cause : le législateur vient d’offrir un cadeau fiscal sans précédent aux familles françaises.

Le jackpot fiscal des donations immobilières


C’est la mesure phare de la loi de finances 2025 : une exonération totale des droits sur les dons d’argent destinés à l’acquisition d’un logement ou à sa rénovation énergétique. « Un coup de pouce massif pour le secteur immobilier et pour les jeunes générations », analyse un notaire à Lyon. Le dispositif, applicable du 15 février 2025 au 31 décembre 2026, permet à chaque parent ou grand-parent de donner jusqu’à 100 000 euros sans impôt, dans la limite de 300 000 euros par donataire.

Seule condition : conserver le bien pendant au moins cinq ans. « Pour une famille avec deux parents et quatre grands-parents, c’est potentiellement 600 000 euros qui peuvent être transmis sans fiscalité », calcule Catherine Martin, conseillère en gestion de patrimoine. De quoi financer intégralement l’achat d’un premier appartement ou une rénovation complète.

Cette mesure exceptionnelle vient s’ajouter aux abattements classiques, déjà particulièrement généreux. Rappelons qu’un enfant peut recevoir 100 000 euros de chacun de ses parents tous les 15 ans sans payer le moindre euro d’impôt.

La SCI, arme fatale de l’optimisation

Face à l’explosion des droits de succession, la Société Civile Immobilière (SCI) s’impose comme un véhicule incontournable. « C’est simple, quand on détient un patrimoine immobilier significatif, ne pas créer de SCI confine à la faute patrimoniale », tranche un avocat fiscaliste.

L’avantage ? Contrairement à une donation directe, la transmission de parts de SCI permet de déduire l’endettement de la société. « Un bien de 600 000 euros avec un prêt restant de 200 000 euros ne sera taxé que sur 400 000 euros », illustre notre expert. Autre atout, et non des moindres : les parts sociales peuvent bénéficier d’une décote pouvant atteindre 20 à 30%.

Mais la SCI offre aussi une souplesse incomparable dans la gestion. Nicolas B., 54 ans, chef d’entreprise à Bordeaux, en témoigne : « J’ai progressivement donné 80% des parts de notre SCI familiale à mes deux enfants, tout en conservant la gérance. Ils bénéficient déjà des revenus locatifs, mais je garde la main sur les décisions stratégiques. »

Le jeu des abattements, une stratégie gagnante

Contrairement aux idées reçues, même les patrimoines modestes peuvent tirer profit d’une donation bien orchestrée. « L’erreur la plus courante est d’attendre trop longtemps », observe un gestionnaire de patrimoine. L’atout maître ? Le renouvellement des abattements tous les 15 ans.

Un exemple concret : un couple avec deux enfants peut donner 400 000 euros sans impôt (100 000 × 2 parents × 2 enfants), puis recommencer l’opération 15 ans plus tard. Sur une vie, c’est plus d’un million d’euros qui peuvent ainsi échapper au fisc.

Les plus prévoyants n’hésitent plus à sauter une génération. Avec 31 865 euros d’abattement par petit-enfant, la stratégie est particulièrement efficace pour les familles nombreuses. « Mes quatre petits-enfants ont reçu chacun 30 000 euros pour leurs études, sans aucune fiscalité », confie Jacques M., 73 ans, ancien cadre supérieur.

Les pièges à éviter

Attention cependant aux effets pervers d’une générosité mal calibrée. Premier écueil : se dépouiller trop rapidement. « On voit des retraités qui regrettent amèrement d’avoir tout donné quand survient le besoin d’une maison de retraite médicalisée », alerte un conseiller en gestion de patrimoine que nous avons interrogé.

Autre risque : les conflits familiaux. La donation-partage, qui permet de répartir son patrimoine entre ses héritiers de son vivant, reste l’instrument privilégié pour éviter les contentieux. « Cette forme de donation a l’immense avantage de figer la valeur des biens au jour de l’acte, ce qui évite les disputes ultérieures sur l’évaluation », rappelle un avocat spécialisé.

Les donations ne sont révocables que dans trois cas strictement encadrés par le Code civil : l’ingratitude du donataire (atteinte à la vie du donateur, sévices ou injures graves), l’inexécution des charges prévues à l’acte, ou la survenance d’enfant (si une clause spécifique a été prévue).

L’usufruit, pour donner sans perdre le contrôle

Pour ceux qui craignent de perdre la jouissance de leurs biens, la donation avec réserve d’usufruit représente le compromis idéal. Le donateur conserve l’usage du bien et ses revenus sa vie durant, tandis que le donataire reçoit la nue-propriété. Un arrangement particulièrement avantageux fiscalement : à 65 ans, l’usufruit est évalué à 40% de la valeur du bien, ce qui signifie que la nue-propriété transmise n’est taxée que sur 60% de sa valeur.

« L’extinction de l’usufruit au décès est automatique et ne génère aucun droit supplémentaire », souligne un notaire parisien. « C’est comme si le nu-propriétaire récupérait gratuitement l’usufruit. »

Des formalités incontournables

Même exonérée de droits, toute donation doit être déclarée au fisc. Pour les biens immobiliers ou les donations complexes, le passage devant notaire est obligatoire. Pour les dons manuels (argent, objets précieux), une simple déclaration en ligne sur le site des impôts suffit, à effectuer dans le mois suivant la libéralité.

La vigilance s’impose particulièrement pour les donations aux enfants mineurs, qui nécessitent la nomination d’un administrateur ad hoc, ou pour les transmissions d’entreprise, qui peuvent bénéficier du régime favorable du « pacte Dutreil » avec un abattement de 75%.

Vers une réforme des successions ?

Si les donations bénéficient aujourd’hui d’un cadre fiscal favorable, l’incertitude plane sur l’avenir. « Chaque alternance politique apporte son lot de modifications », rappelle notre fiscaliste. La réforme des droits de succession figure régulièrement dans les programmes électoraux, tantôt pour les alléger, tantôt pour les renforcer.

En attendant, la fenêtre d’opportunité ouverte par la loi de finances 2025 mérite d’être saisie. Face à l’allongement de l’espérance de vie et au vieillissement de la population, la donation s’affirme comme un outil de solidarité intergénérationnelle. Plus qu’une optimisation fiscale, elle devient un véritable projet de vie familial.